Le Départ en plusieurs étapes

La campagne d’été s’est bien déroulée. Je me suis trouvé des occupations puisque la formation de Cécile était plus ou moins finie et qu’il fallait qu’elle prenne le relais pour s’approprier les expériences. Du coup, le sauna a été remis en route et nous en avons bien profité jusqu’à la fin, les samedis soirs étaient bien animés : les anciens hivernants restant (Yann, Simon et moi) on organisait des soirées aussi bien au camp d’été qu’au workshop EPICA ou encore à la tente temps libre (surnommée la Spaca Ossa en souvenir de Nathalie qui s’était cassé la jambe juste en entrant il y a quelques années !). Le dimanche, on allait se promener après une bonne grasse matinée et puis mon dernier vendredi à Concordia, je suis partis avec les glacios à 25km de la base, j’ai eu l’impression de partir en vacances après un an passé dans un périmètre d’à peu près 2km!

Le départ approche, enfin rien n’est sur puisque l’Astrolabe est bloqué à 40km de la base Dumont D’Urville (DDU) à cause de la banquise. Ce qui pose problème pour le déchargement du fioul, des vivres et du matériel. Tout se fait par hélicoptère mais cela prend du temps car il faut parcourir les 40km au dessus de la glace ! Les raideurs tentent des raids sur la banquise pour récupérer le fioul mais c’est quand même un exercice très périlleux !

Le lundi 16 décembre, les plans de vol pour les 13 personnes redescendant sur DDU sont faits, avec Yann nous sommes dans le premier avion et nous devons partir le mardi 17 au matin, l’heure de départ est 8h30 donc nous devons être prêts à 7h, ce qui est tôt !

Le mardi matin, levée aux aurores pour finir les bagages, oui je sais c’est un peu tard mais nous avons été prévenus la veille et puis nous avons profité de notre dernière soirée avec tout le monde aussi ! Du coup tout est prêt, je monte au petit-déjeuner, après avoir défait mon lit et mis les draps dans la machine et puis bonne surprise, on ne part pas aujourd’hui, il ne fait pas beau à mi-chemin entre Mario Zuchelli Station et Concordia. Du coup le départ est prévu pour le mercredi, une journée de plus à Concordia n’est pas pour me déplaire je dois dire. Le mercredi même topo, encore une journée de plus, je vais commencer par m’ennuyer dis donc ou alors c’est que l’Antarctique ne veut pas que je parte! Jeudi ça y est, c’est le départ le vrai, prévu après le déjeuner de midi. Les adieux sont difficiles, larmes et compagnie sont au rendez-vous évidemment !

Après ce départ « déchirant » (oui j’exagère un peu la chose mais c’est pour que vous compreniez que c’était vraiment dur de quitter Concordia et de réaliser que ça y est, l’aventure se termine et de dire au revoir à plein de gens formidables et extraordinaires, j’ai même réussi sans le vouloir à en faire pleurer plus d’un !) nous arrivons à D85, un point de ravitaillement pour l’avion (un twin otter) perdu au milieu de nulle part dans le désert antarctique. Une fois le plein refait, direction DDU où un hélicoptère nous attend pour nous déposer sur la base qui ne se trouve pas sur le continent mais sur une île juste à côté. Et c’est vraiment magique, de revoir des animaux, de prendre l’hélicoptère etc. Heureusement je connais quelques têtes alors je me sens un petit peu moins perdue, mon chef Bruno m’attend, et mes deux collègues glacio Julien et Benjamin avec qui j’avais fait la formation à Grenoble. Il y a beaucoup de monde, enfin c’est l’impression que j’ai vu que je ne connais pratiquement personne, c’est étrange de revoir de la vie animale (la base est située sur la manchottière des Adélies donc il y en a partout) et puis surtout j’ai chaud dans ma tenue de Concordia, ça y est, je peux remettre des habits « civils » ! Avec Yann on a un peu l’impression de revenir d’une autre planète car tout le monde nous dit « hivernants de Concordia ? Ah ouais quand même ! »

Le soir mon chef Bruno nous fait visiter à Yann et moi les installations de la base et nous montre les manchots, on a vraiment de la chance car leurs œufs commencent tout juste à éclore et on a la chance d’apercevoir une petite boule toute grise sous sa maman (ou son papa d’ailleurs)

Le vendredi matin, Julien nous emmène voir les manchots empereurs qui se trouvent un peu plus loin sur la banquise. Il y a plein de bébés trop mignons. Ce qui est triste par contre c’est qu’à cause d’une banquise très dense et très longue, les parents mettent beaucoup de temps pour aller leur chercher à manger, quand ils reviennent. Les ornithologues nous disent avoir compté plus de 2000 cadavres de bébés manchots. C’est triste mais naturel hélas. L’après-midi, on apprend que nous allons sans doute être débarqués sur l’Astrolabe le samedi dans la matinée (toujours en hélicoptère, la classe). Du coup on en profite pour faire une grosse promenade sur la banquise et rejoindre le continent et la base des raideurs Cap Prud’homme. Un peu plus de 10km dans l’après midi sur la banquise à voir des sculptures de glaces c’est super. Et puis comme on revient d’un an à presque 4000m d’altitude, une fois au niveau de la mer, on a la patate !

Le soir, une grosse soirée de fin d’hivernage s’organise pour la TA63 (l’équipe hivernante de DDU), je rentre me coucher vers 2h du matin et je dois être prête pour le lendemain à 8h car ils débarquent en premier les personnes de Concordia. On apprend qu’à cause du mauvais temps, nos collègues restés à Concordia ne partiront finalement pas avec nous mais seront déviés sur la base australienne Casey et prendront L’Aurora Australis, le navire australien. Après 30min d’hélico, ça y est, on débarque sur le bateau. Yann qui l’a déjà pris me fait une visite guidée, décidément ce n’est pas très grand mais j’ai de la chance, nous avons une cabine à l’étage du pont, donc on subira moins la houle lors des tempêtes !

Le départ est prévu pour le samedi soir, nous devons descendre sur la banquise afin d’aider l’équipage à enlever « l’ancre » qu’ils avaient coincée dans la glace pour stopper le bateau. C’est impressionnant, il y a plein de petits manchots très curieux qui nous observent et le must du must, nous avons la chance de voir 2 orques peut-être 3 nager juste à côté de nous, magnifique !

Dimanche nous sommes dans le pack, nous sommes encerclés par des morceaux de banquise, des icebergs etc. Super belle vue, ce qui est un peu dommage c’est qu’il ne fait vraiment pas beau, tout est gris mais ça ne gâche pas le spectacle pour autant ! On regarde des films, on prend des photos, on discute, on lit, on partage les expériences d’hivernages et puis on profite du fait que nous ne sommes pas secoués pour manger à tous les repas. Le lundi nous sommes encore dans le pack, on aperçoit des petits manchots, on regarde nos mails etc. Mardi après-midi, je fais une sieste et quand je me réveille, ça y est, on est sorti du pack, ça bouge beaucoup et évidement, je suis sujette au mal de mer, après avoir été malade 3 ou 4 fois, je mets le patch anti mal de mer pour supporter. Il n’y a pas grand monde au réveillon de Noël. Normalement il y a deux services mais ce soir un seul car nous sommes trop peu à manger (d’ailleurs je dis nous mais on ne peut pas tellement dire que j’ai mangé) !

Le mercredi, jour de Noël, je me réveille après une nuit agitée. Je me rends compte qu’on ne bouge plus beaucoup ce qui est une très bonne nouvelle ! Je croise Yann en allant prendre une douche qui me dis « tu n’es pas au courant ? On a fait demi-tour » persuadée qu’il me fait une blague, je ne le prends pas au sérieux, mais c’est bien vrai, nous avons fait demi-tour. Décidément, l’Antarctique ne veut pas que je rentre ! Le capitaine a reçu un message d’alerte, un « S.O.S. » d’un bateau de croisière russe qui comporte à son bord des Australiens et des Néo-Zélandais qui se retrouvent coincés dans les glaces très proche du glacier Mertz à côté de DDU. Tous les bateaux alentours viennent lui porter secours, le brise glace chinois et le bateau australien. Nous étions à 3 jours de l’arrivée à Hobart et nous avons au final perdu 5 jours pour faire demi-tour et attendre les instructions des australiens qui chapotent l’opération de sauvetage puisque nous sommes sur leur territoire. De retour dans le pack, on aperçoit le navire chinois juste devant nous. Et puis finalement ils n’ont pas besoin de nous alors nous repartons vers Hobart. Ce qui est dommage c’est que nous avons fait demi-tour pour rien, mais ce qui est super c’est que sur le retour nous avons la chance de voir des baleines à bosse et une baleine bleue ! Vraiment super !

Et puis une fois le pack derrière nous, rebelote, on retombe tous plus ou moins malade et on ne mange pas, enfin un minimum histoire de ne pas trop souffrir du mal de mer. Et puis on recommence les journées habituelles : films, sieste, mails, discussions etc. Notre arrivée est prévue le 3 janvier à Hobart, ce qui veut dire nouvel-an sur le bateau, il ne reste plus qu’à espérer que le bateau soit dans une mer calme à ce moment là !

Le 31 au matin, l’Astrolabe bouge dans tous les sens et cela empire jusqu’à l’arrivée à Hobart, décidément, on n’est vraiment pas gâté de ce côté-là. Il est très difficile de prendre une douche dans de telles conditions, on se cogne de partout, il faut se tenir d’une main et se laver de l’autre. L’impression de vivre des micro-apesanteurs toute la journée et même la nuit dans sa bannette (son lit) est assez fatigante à la longue mais c’est une expérience à vivre, ça nous permet de nous rendre compte à quelle distance nous sommes réellement de toute civilisation. Et puis ce retour en plusieurs étapes permet de se réhabituer en douceur à la civilisation, plutôt qu’une arrivée brutale dans le monde « réel » après 8h de vol ! Cela dit, malgré le mal de mer, avec Yann on s’occupe de faire un trombinoscope de tous les passagers et membres d’équipage de l’Astrolabe. L’équipe d’hivernants de DDU ont inventé un jeu de l’oie spécial Antarctique « l’Astro l’Oie » où tous les pièges son possibles (retour à la case départ, mauvais temps donc pas d’avion etc.) Ce jeu a eu beaucoup de succès quand l’océan le permettait.

Le soir du réveillon, on a le droit à une accalmie, du coup tout le monde vient manger le repas du 31 préparé avec soin par Éric et Sukiyo (le chef et l’aide cuisine) On finit tous les plats, ça fait du bien après 2 semaines sans jamais finir un repas en entier ! S’en suit une super soirée dansante au salon et puis juste après minuit, on a le droit à une magnifique aurore australe. Décidément, ce retour en bateau est vraiment super, nous sommes super gâtés par la nature !

Le premier jour de 2014 on reprend la routine du bateau : films, discussions, lecture etc. Et puis on attend patiemment l’arrivée à Hobart. Le Vendredi 3 Janvier au matin, ça y est, on voit la terre, c’est drôle, de la végétation, des voitures, des maisons, on voit tout cela depuis le pont j’ai l’impression de voir un décor ! Et puis l’arrivée est super, on se retrouve tous dans le premier bar trouvé pour boire une bonne bière en terrasse sous le soleil ! Alors évidemment, avec Yann on aura beau avoir mis de la crème solaire, les coups de soleil vont bon train (sur les oreilles ça fait super mal quand même !) un an non exposé et on est un peu translucide quand même, enfin on devient vite rose porcelet, c’est original ! Il y a tellement d’informations nouvelles : le bruit des voitures, les odeurs, la foule, la végétation que j’en ai mal à la tête, je me sens vraiment perdue ! Le soir, premier vrai test de retour, aller dans un bar et commander dans la foule en anglais ! Test plutôt bien réussi, malgré une certaine « angoisse » ! Retour sur le bateau pour la nuit vers minuit et puis départ pour les vacances (enfin) le samedi 4 Janvier : direction Sydney, ses plages, son jardin botanique, son opéra avant la Nouvelle-Zélande et ses randonnées après avoir dit au revoir à un équipage super et une équipe de passagers épatante (sans larmes cette fois-ci !)

Bises à tous

Albane